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Marcel Wibault aux Mouilles

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Au hameau des Mouilles, c’est chez Albert Claret-Tournier, guide, que le peintre a trouvé une petite chambre à louer. Décorée par l’artiste, la petite chambre montagnarde était « pour deux cœurs en un seul ». Sur le tableau, réalisé 30 ans plus tard de mémoire, on admire la lumière chaude d’un coucher de soleil d’automne. Les rayons obliques sur le relief, moins accablants, laissent vibrer les couleurs somptueuses de la végétation d’arrière-saison. Les premières neiges ont déjà blanchi les aiguilles et les Grands Charmoz semblent veiller sur des fermes centenaires.

Page publiée avec l’aimable autorisation de Lionel Wibault, fils du peintre.

Diaporama de l’article

  • Légende photo :

    Partie d’étude aquarellée pour une fresque murale à l’intérieur du café de la Potinière (encore visible)

  • Légende photo :

    Marcel Wibault à Argentière 1938

  • Légende photo :

    Village d’Argentière – Septembre 1938

  • Légende photo :

    L’alpage des Chéserys et le Chardonnet – 1936

  • Légende photo :

    Manite aux Mouilles 1938

  • Légende photo :

    Marcel Wibault au Lac Blanc 1938

    Coup de foudre pour le pays ? Il s’y plaît, en tous cas, et ses toiles plaisent. Il peint la nature, les montagnes de Chamonix, les fleurs de la vallée. On le voit partir au petit jour, sac au dos, grimper sur quelque sommet ou s’asseoir au bord d’un glacier pour transcrire sur sa toile la splendide lumière du matin sur les cimes.

    « Vivement un beau glacier bordé d’arolles et de cascades ! »

    « Les nuages sont bien ennuyeux. Les voici revenus comme je voulais monter aux glaciers pour peindre trois jours durant, sans redescendre. »

    « Je monte si souvent sur l’alpe que je ne puis plus écrire à ma guise. Quand je reviens, je dors debout. Les nuits au refuge, il y a mieux ! »

    Son succès est presque immédiat. Il sympathise avec les montagnards, comme Albert Claret-Tournier, son propriétaire. Il est généreux et fondamentalement humain.

    Quelques souvenirs encore pour Suzanne : « La maîtresse nous avait demandé de dessiner un chien… Comme je ne savais pas le faire, Marcel Wibault m’avait dessiné un magnifique chien à l’encre de chine. Ah, quel beau chien j’ai rapporté à la maîtresse ! »

    Il fréquente la boutique du fameux alpiniste-photographe Georges Tairraz, apprenant, par l’intermédiaire du noir et blanc de la photo de cette époque, les zones d’ombre et les éclats de lumière. Il apprend également, aux côtés du célèbre professionnel du cliché de montagne, à connaître les meilleurs sites, les lieux où la nature a posé les plus beaux points de vue, les meilleurs cadrages.

    Rapidement, les amateurs apprécient son art de rendre les formes tourmentées de la haute altitude ou les harmonies pastorales. Ils apprécient également sa palette de couleurs, au service du lyrisme mais aussi de la gravité et de l’austérité de la montagne.

    Habitant désormais sur place, Marcel Wibault peut, tout à loisir, multiplier ses sorties en montagne, notamment avec ses copains cafistes de Besançon. « Il y recevait ses amis : monsieur George, du Club alpin, passait souvent. Il y avait aussi monsieur Pertusier, propriétaire de grosses scieries à Besançon. On l’appelait “Le Gros”. »

    « Demain, il est fortement question, avec un ami suisse, d’attaquer le Mont-Blanc. Départ en cas d’absolu beau temps, évidemment. »

    Ainsi, simplement, se font les projets d’excursion en montagne. Ainsi, tout aussi simplement, naît cette idée de balade dans le secteur de Talèfre avec son ami « Pertu ». Ce dernier est venu avec sa sœur et une amie de celle-ci, Marguerite Mercier, une pure Parisienne, et ils sont descendus à l’hôtel La Sapinière. Le rendez-vous est fixé pour le lendemain au refuge du Couvercle où ils doivent tous se retrouver. Là-haut, le ciel est à l’orage, les alpinistes sont contraints de se tenir à l’abri dans le refuge. C’est la rencontre coup de foudre, à 2 700 mètres d’altitude et dans la tourmente des nuages, entre Marcel et Marguerite, dite « Manite ».

    Pendant une année, le peintre courtise sa belle. Elle habite Paris, son père est contremaître dans une maison de tissu, la maison Barbet-Massin, rue Saint-Fiacre, ouvrant sur le boulevard Poissonnière, dans le 2e arrondissement. Cet emploi donne les moyens financiers à la famille de louer un petit appartement pour les vacances dans le village d’Émagny, près de Besançon, dans le Doubs. Marcel s’y rend à vélo, un peu clandestinement dans un premier temps !

    « L’anneau qui consacrera notre “grande Promesse” je te propose de te le remettre… au Couvercle… tout simplement au lieu où, il y a un an, nous étions mis en présence, si heureusement, par la Montagne en courroux puis, comme satisfaite, toute belle, le lendemain quand bien longuement j’ai gardé ta petite main dans la mienne. » (M. Wibault)

    Quand ils ne se voient pas, les amoureux s’écrivent. Les échanges épistolaires, d’abord espacés, deviennent très vite fréquents et réguliers. On y écrit de magnifiques déclarations d’amour. « Dans le mois d’août, je pense, tu vas commencer ton costume de velours blanc, j’y pense souvent. Je veux y broder des fleurs en argent ou en soie blanche. Il le faudrait avec un chapeau de forme Tyrol à bords assez grands et blanc avec cordonnet blanc. J’aime les chapeaux un peu grands pour toi, comme celui de la photo du Luxembourg. Les grands chapeaux conviennent aux visages fins et distingués. Oh ! Manite, tu vas être plus belle encore, ce jour-là. Ce costume ne sera-t-il pas l’écrin tout blanc et doux convenable à ta pureté et à ton charme ? »

    Quel plus bel hommage, quels plus beaux compliments pourrait-on adresser à sa future épousée ?

    Au mois d’août 1937, les parents viennent à Chamonix pour les fiançailles. Le mariage se prépare : « Sais-tu que Pertusier nous fera le plaisir d’être témoin ? Tu peux bien pressentir Lucette. Elle est gentille. Ceux dont le cœur est délicat doivent toujours être et rester nos amis. »

    Le 5 octobre suivant on y célébre à Chamonix le mariage de Marcel et Manite.

    Pendant une dizaine d’années, Marcel continue d’occuper, avec sa femme, la petite chambre des Mouilles. Suzanne en parle :

    « Quand il a été marié, peu de temps après, sa femme est venue s’installer avec lui. Ils occupaient tous les deux la même petite chambre que madame Wibault avait garnie de cretonne. Il y en avait partout, transformant cette petite pièce en douillet nid d’amour. Le dessus de lit était en velours gris.

    La cuisine occupait un coin de la chambre : un modeste réchaud à alcool tenait lieu de cuisinière, en parallèle au petit poêle à bois qui chauffait la pièce. Pas d’évier, pas d’eau courante dans la pièce. Madame Wibault se ravitaillait en eau chez les propriétaires. Quand elle n’était pas utilisée, la « cuisine » était masquée par un grand panneau où Marcel Wibault avait peint un paysage représentant la Meije, des alpages et des moutons.

    Dans un autre angle, un coin toilette, garni de cretonne lui-aussi : une table avec le broc et la cuvette émaillée. Les “petits coins” se trouvaient, comme partout à la campagne, au fond du jardin… »

    La famille Claret-Tournier adopte facilement ce couple généreux et sans histoire.  « Excellente couturière, madame Wibault avait cousu, pour la communion des petites Claret-Tournier, un costume à chacune d’elles. Petits tabliers blancs protégeant un vêtement de velours noir avec une ceinture et des boutons de toutes les couleurs. C’était magnifique. »

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