Skip to main content

1932 en direct du Mont-Blanc

, , ,
| ,

« Ici la station de Lyon-La-Doua de l’administration des Postes et Télégraphes ; vous allez entendre… » Nous sommes le 15 juin 1932, il est 13 h 10 et nous écoutons un jingle somme toute basique. Mais qu’annonce-t-il ?

L’article en images

  • Légende photo :

    1932 – Essai d’émission radio

  • Légende photo :

    Livre anniversaire du bicentenaire de la Compagnie des Guides

    « Ici la station de Lyon-La-Doua de l’administration des Postes et Télégraphes ; vous allez entendre… » Nous sommes le 15 juin 1932, il est 13 h 10 et nous écoutons un jingle somme toute basique. Mais qu’annonce-t-il ?

    Depuis la fin de la Grande Guerre, les techniques de propagation des ondes vont bon train. Les « tip-tip-tap » du morse ont été relégués aux archives tandis qu’œuvre la toute nouvelle télégraphie sans fil, la TSF. En une petite dizaine d’années, un poste radiotéléphonique lyonnais a trouvé place dans l’enceinte de l’importante station radiotélégraphique de La Doua à Villeurbanne, là où, en 1914, l’État-Major avait installé une batterie de pylônes de 120 mètres de haut destinés à capter et à émettre les messages de l’armée. En 1921, quelques rares Lyonnais chanceux captent avec bonheur des émissions expérimentales émises chaque jour à 10 h 30 puis à 15 h 30 par une nouvelle station de radio baptisée Lyon-La-Doua. Progressivement, aiguillonnée par les mécènes ou les membres de l’association Les Amis de La Doua et chapeautée par l’administration des PTT, propriétaire des locaux et du matériel, la modeste station émettrice ne cessera de grandir, étoffant ses programmes et diffusant concerts de musique, informations sur le cours de la Bourse ou autres résultats sportifs… Dans de nombreux foyers trônera bientôt un poste récepteur de radio – énorme appareil – que l’on écoutera assidûment en famille.

    À partir de 1930, Lyon-La-Doua entreprend tout un cycle de transmissions régionales avec la collaboration des groupements touristiques et artistiques locaux des principales villes de sa zone d’écoute. C’est ainsi que le Syndicat d’initiative de Chamonix est sollicité en la personne de son secrétaire : Roger Frison-Roche. L’objectif est de faire connaître Chamonix et l’alpinisme avec les guides de la Compagnie. La meilleure façon de le faire : organiser un reportage depuis la montagne, et pourquoi pas depuis le sommet du mont Blanc ?

    Le 4 septembre 1931, un entrefilet dans le journal L’Excelsior annonce qu’une « caravane composée des guides Armand Charlet, Roger Frison-Roche, Georges Cachat et Alfred Couttet, ainsi que du porteur Roland Couttet a quitté Chamonix afin de relier radiotéléphoniquement le sommet du mont Blanc à l’ensemble du monde ». Deux jours plus tard, on apprend qu’à cause du mauvais temps, l’émission n’a pu avoir lieu que de courtes minutes et seulement à 3 050 mètres d’altitude, à l’intérieur du refuge. « Les guides, relate à nouveau le journal, chargés de près de vingt-deux kilos, ont traversé le glacier des Bossons très péniblement à travers le brouillard et ont gagné le refuge des Grands Mulets où ils ont passé la nuit. Mais au matin, une tourmente sévit avec un mètre de neige fraîche et une température de -20 °C. » Le retour à Chamonix sera long. « Les alpinistes ont eu à subir quelques petites avalanches. Les crevasses étant bouchées par des ponts de neige sans solidité, un membre de la caravane, M. Borrel, de Lyon, a fait une chute sans dommage. »

    L’opération est reportée à l’année suivante, en juin, avec deux chefs d’expédition : Roger Frison-Roche et Alfred Couttet. Le 13 juin 1932, une première caravane, constituée de scientifiques de l’Observatoire de Paris, d’opérateurs radiotélégraphistes et de guides, entreprend l’ascension jusqu’à l’observatoire Vallot, pour suivre l’expédition. Parmi eux, Louis Gaillot, chirurgien-dentiste et radiotélégraphiste. Le 14 juin, une seconde caravane les rejoint, composée de Roger Frison-Roche, d’Alfred Couttet et de trois porteurs : Éloi Garny, Firmin Mollier et Marcel Charlet, chargés du transport et du montage des éléments pour la liaison radio. Le 15 juin vers 10 heures, le sommet du mont Blanc est atteint et l’équipe s’affaire à mettre en place les éléments nécessaires à la liaison radio. « Les divers éléments des mâts constituent, avec des haubans amarrés à nos piolets, un remarquable support d’antenne », dira Frison-Roche. Tout est prêt, le contact est établi avec la station-relais installée dans les jardins de la Villa Vallot, et à 13 h 10, la première émission radio est réalisée depuis le sommet du mont Blanc !

    Joëlle Dartigue-Paccalet (écrivaine) et David Ravanel (guide de haute montagne, ancien président de la Compagnie des Guides de Chamonix)

    Livre « Compagnie des Guides de Chamonix, 200 ans d’histoire(s) »

    Editions Glénat 2021