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Le camp celtique des Gures

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Les peuplades celtiques n’ont pas laissé en Savoie un aussi grand nombre de monuments qu’en Bretagne où abondent ces témoins formels du passé. Voici le camp celtique des Gures !

Culminant à 940 mètres d’altitude, le promontoire des Gures ne mesure qu’à peine plus de 1500 mètres de long pour 3 à 400 mètres de large. Etymologiquement, on lui prête plusieurs origines : goré = massif élevé, mais aussi gur (en gaélique) = homme fort ou garot (en hébreu) = fendre la pierre. Coincé entre le vallon du Châtelard et le lit l’Arve qui s’échappe en cascadant, c’est un massif peu connu où les feuillus ont colonisé les lieux et masqué, petit à petit, des traces d’un des plus importants camps celtiques de la haute vallée de l’Arve.

Diaporama de l’article

  • Légende photo :

    Ruines des murs d’enceinte

  • Légende photo :

    La table de sacrifice

  • Légende photo :

    Une vue panoramique imprenable

  • Légende photo :

    La Pierre du sacrifice à plusieurs niveaux

    Quand, passé le pont des Lanternes à Servoz, on pénètre dans cette superbe hêtraie, on ne peut s’empêcher d’y ressentir comme une impression de magie. Certes, les vététistes n’y sont peut-être pas sensibles, cherchant tout d’abord la meilleure pente que, tout-à-l’heure, ils vont pouvoir dévaler à toute allure.

    C’est une autre sorte d’adrénaline que peut nous procurer l’immersion dans ce monde étrange où l’on peut encore voir des ruines de bastions, énormes dalles de micaschiste empilées, posées à plat les unes sur les autres sans appareillage et dont on dit qu’elles formaient une première ceinture, autrefois ininterrompue, fermant l’enceinte du camp.

     » Les blocs qui constituent ce mur sont énormes, taillés en majeure partie dans du rocher ardoisier, probablement de poids supérieur à 100 ou 200 kilos chacun, entassés les uns sur les autres. Parfois même, ils sont imbriqués, sinon enchevêtrés, pour augmenter l’assise et la résistance comme de manière à rendre impossible tout désir de vouloir en enlever un seul autrement qu’en commençant par ceux qui constituent la rangée supérieure… » (Extrait du livre cité en référence ci-dessous)

    Que sont venus chercher nos ancêtres, les peuplades celtes, sur ce mamelon rocheux ?

    Des observations relativement anciennes ont permis de découvrir ce système de fortifications et de portes défendues très complet, ainsi que des preuves d’occupation datant du IIe et IIIe siècles. En effet, le curé de Servoz, l’abbé Orsat, organise quelques fouilles dès 1879, croyant y discerner les vestiges d’un camp romain signalé, auparavant, par le chanoine Ducis. Aidé du géomètre Léon Félisaz, la fin du XIXe siècle sera pour lui une époque d’importantes fouilles, restes de murs d’enceinte noyés dans la végétation et blocs erratiques suffisamment travaillés et disposés par l’homme pour paraître avoir été voués à quelque cérémonie religieuse.

    Aujourd’hui pratiquement invisible tant elle est noyée sous la mousse et les fougères, la « Pierre du sacrifice », ainsi nommée encore aujourd’hui par les habitants de Servoz, n’est en réalité qu’un énorme bloc de granit qui serait sans intérêt si on ne le mettait à nu. En réalité, ce gros bloc parallélépipédique de cinq mètres de longueur sur trois de largeur, mesure deux mètres de hauteur en amont et présente, en son milieu, une entaille arrondie de dix centimètres de largeur et un mètre cinquante de longueur. De chaque côté, d’autres entailles, longues et profonde, dont celle de gauche entaillée sur une cinquantaine de centimètres. Cette description, qui tient davantage de la géométrie que de l’archéologie, signifie, selon le chanoine Ducis, les trois gradins traditionnels d’une pierre du sacrifice : le plus bas serait la place du sacrificateur, tandis que la victime serait disposée au milieu et les instruments du sacrifice de chaque côté. Tout en haut se tiendrait le fétiche.

    Plus haut dans la forêt et presque au sommet des Gures, on trouve une « Pierre du sacrifice » d’un autre genre. En contrebas du chemin une large « table de granit » est posée très horizontalement sur une barre de micaschistes empilés : un bloc erratique qui est impossible d’avoir été déposé autrement que par la main de l’homme. Pourquoi ? À quoi servait cette large table d’un mètre de largeur, deux de longueur et cinquante centimètres d’épaisseur ? Pour quel usage a-t-elle été entaillée, rectiligne et parallèle au bord du bloc, d’une rainure de plusieurs centimètres de profondeur, rigole qui semble creusée pour écouler un liquide vers l’extérieur ? Quel liquide ? Le sang des victimes ? dirait la légende. Quelles victimes ?

    Enfin, lorsqu’on débouche tout en haut du massif des Gures, on découvre à la fois une vue panoramique assez rarissime et à la fois un gros rocher, sorte de pymamide à l’envers, callée par des pierres : le Dolmen du Laby. Enorme bloc granitique, comme les « Pierres du Sacrifice », il a paru évident aux chercheurs que sa présence n’est pas due à l’effet des glaciers : rien d’erratique dans ce bloc posé sur un rocher à nu au bord du précipice qui tombe dans le vallon des Egratz. Plusieurs explications ont été évoquées pour justifier sa présence, de l’abri pour surveiller les assaillants jusqu’au projectile lui-même à faire basculer dans le vide… Légèrement en contrebas de ce sommet, un cheminement, souvent taillé en encorbellement dans la roche, constitue ce qui pourrait être un chemin de ronde, d’où un vaste panorama, de Montcoutant à Passy, dévoile tout le territoire.

    Pour en savoir + : « Une vallée insolite : Chamonix » par Roger Couvert du Crest (1971)