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Le glacier des Bois

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Au XVIIe siècle, ce n’est pas sans crainte que les habitants des Bois surveillent le glacier qui, décidément, ne leur apporte rien de bon. Non seulement il risque de détruire leurs récoltes mais ses ravages ne laissent derrière eux que des terres stériles où plus rien ne pousse.

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    Le pavillon du glacier des Bois

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    1968 – Le fond du glacier des Bois et le chemin montant au Chapeau

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    Le pavillon du glacier des Bois

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    Le glacier des Bois prend la forme d’une trompe d’éléphant, ce qui lui vaudra ce surnom.

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    La passerelle sur l’Aveyron

    Au XVIIe siècle, ce n’est pas sans crainte que les habitants des Bois surveillent le glacier qui, décidément, ne leur apporte rien de bon. Non seulement il risque de détruire leurs récoltes mais ses ravages ne laissent derrière eux que des terres stériles où plus rien ne pousse. Aussi, fait-on appel à la grâce divine pour améliorer ces conditions de vie difficile. Jean d’Arenthon d’Alex, évêque de Genève, vient en 1690 bénir les glaciers pour arrêter leurs ravages :

    « Les habitants d’une paroisse appelée Chamonix montrèrent d’une manière singulière la confiance qu’ils avaient en la bénédiction de leur Evêque. Chamonix est la frontière du Païs de Vallay et elle a de grosses montagnes qui sont chargées de glace et de neige, aussi bien en Esté qu’en Hyver. Leur hauteur semble porter leurs pointes jusque dans les nües et elles s’élèvent presque autant que la veüe peut porter. Ces glaces et ces neiges qui viennent toujours en penchant depuis la cime jusqu’en bas menacent sans cesse de ruines les lieux circonvoisins et autant de fois que l’Evêque alloit faire ses visites en ces quartiers-là, les Peuples le prioient d’aller exorciser et bénir ces Montagnes de glace. Environ cinq ans avant la mort de Nôtre Evêque, ces Peuples lui firent une députation, pour le prier de les aller voir encore une fois, dans la crainte qu’ils avoient que devenant plus vieux de jour en jour sa vieillesse ne les privât de ce bonheur. Ils s’offroient avec leur bonne foy de faire tous les frais du voyage et ils assuroient que depuis sa dernière visite les glaciers s’étoient retirés de plus de quatre-vingts pas. Le Prélat, charmé de leur foy leur répondit : Ouy, mes bons amis, j’iray quand je m’y devrois faire porter, pour joindre mes prières aux vôtres. Il y alla et y fut reçu avec une joye qui correspondoit à la foy de ces bonnes gens et à leur confiance en leur évêque, qui y fit ce qu’ils désiroient. J’ay une attestation faite avec le serment des plus notables de ces lieux, par un acte public, dans lequel ils jurent que depuis la bénédiction donnée par Jean d’Arenthon ces glacières se sont retirées de telle sorte qu’elles sont à présent éloignées d’un demy quart de lieue du lieu où elles étoient avant sa bénédiction et qu’elles ont cessé de faire les ravages qu’elles faisoient auparavant. » (Dom Le Masson, 1697)

    La pierre de 1825

    Pourtant, pendant encore un siècle et demi, la crue glaciaire s’amplifie. Le Glacier des Bois couvre les Mottets et, du haut du rocher, quantité de cascades et cascatelles tombent en ricochant sur la paroi. D’énormes blocs de séracs s’en détachent parfois, roulent jusqu’en bas dans un bruit de tonnerre. Un habitant du Lavancher raconte qu’en dix années (entre 1816 et 1826, le glacier a acquis des « proportions énormes, dépassant en hauteur les plus gros mélèzes qui couronnent les rochers du Piget. (…) À la distance de quelques mètres, il domine d’une hauteur de cent pieds la maison de Michel Tournier aux Bois. Il s’en est détaché un bloc qui est entré dans la grange, effondrant le plancher de l’aire à battre et tombant dans l’écurie. »

    Pris de panique, les paysans craignent pour bêtes et gens, redoutant de s’abriter dans ces maisons menacées qu’ils ont envie de fuir : « Le pauvre Tournier est si épouvanté qu’il n’ose plus coucher dans sa maison, plusieurs fois sur le point de la faire démolir pour transporter les matériaux dans un lieu de sécurité et réédifier un nouvel asile… »

    En 1819 le glacier avance toujours. Selon le livre de raison de Michel Ambroise Paccard, fils du Dr Paccard, « on peut jeter une pierre jusqu’au glacier depuis la dernière maison des Bois. Il arrive aux dernières moraines en tirant une ligne transversale droite depuis le fond de la Filia, elle irait droit au moins au milieu du village des Bois. » Trois ans plus tard, la glace n’est plus qu’à 10 trapas (environ 8 mètres) de la maison Tournier des Bois.

    La Pierre de 1825 appelée aussi Pierre N° 6 et classée « monument national français » appartient désormais à l’Etat. Elle atteste la limite extrême de l’avancée du glacier. Les mesures de Venance Payot, jalonnées en 1846 s’éloignent déjà de 200 mètres de cette pierre.

    Pourtant l’affirmation de Michel Couttet de Chamonix témoigne de la crainte persistante ressentie par les gens du pays. Selon lui, vers les années 1850-51 la glace « arrive encore à 50 mètres du village. Elle emplit totalement la moraine du Pïget jusqu’en haut, jetant des blocs du côté des Tines. »