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Agro-pastoralité de Montagne

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Le 9 décembre 1741 on note : « On trouve à Chamonix 1300 et quelques vaches à lait sans compter les génisses ». En 1795, on totalise pour les trois vallées de Montjoie, Chamonix et Vallorcine, plus de 10 000 têtes de chèvres, moutons et bovins…

Dans une région montagneuse où la neige recouvre le sol une grande partie de l’année, avec de très rudes conditions orographiques et climatiques, il s’avère difficile pour les paysans de trouver suffisamment de prairies pour nourrir leur bétail.

Diaporama de l’article

  • Légende photo :

    Les foins à la Frasse

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    Pâture d’alpage en 1932

  • Légende photo :

    Foins à Argentière

  • Légende photo :

    Pâture dans les communaux des Praz

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    Les foins à Merlet

  • Légende photo :

    Les céréales assemblées en javelles à Argentière

    Dans le fond de vallée, très étroit, les terres labourables et pâturables sont rares et disputées. Régulièrement, l’Arve et ses affluents débordent en crues laissant des dépôts gravillonnaires stériles. En témoignent les nombreux lieux-dits appelés Glières où ne finissent par s’implanter que les vernes (aulne vert) et les varosses (aulne blanc). Les versants, trop pentus, sont interdits à la charrue. On a bien tenté de couper quelques épicéas, ouvrant ainsi des clairières pour la pâture. Mais cette déforestation, pourtant très localisée, n’est pas vue d’un très bon œil par les syndics (maires) qui, pour limiter le risque de coulée avalancheuse ou torrentielle, sont parfois obligés de la réglementer : c’est l’objet des bannias ou forêts bannies où l’exploitation du bois est interdite.

    Dans ce contexte, toutes les herbages sont recherchés, et notamment les communaux et les alpages.

    Les plus démunis doivent se contenter des communaux, terrains pauvres en végétation appartenant à la commune, fonds de couloirs d’avalanches ou délaissés d’Arve…

    Les consorts, ayants-droit des terres d’alpage, ont plus de chance car la prairie d’altitude est riche. De plus, pendant que les bêtes paissent en altitude, on laisse l’herbe des prés de fond de vallée pousser et mûrir. Fauchée, séchée et ramassée, elle emplira le fenil. Il en faut beaucoup. Les troupeaux gardent l’étable durant de longs mois d’hiver, le foin engrangé est leur seule nourriture. Que le printemps tarde et les réserves s’épuiseront très vite.

    En été, une fois le bétail inalpé et confié aux alpagistes, la famille est libérée de la contrainte journalière des soins à donner aux animaux. Elle peut se consacrer aux cultures des céréales et légumineuses dans les emblavures de fond de vallée. Ce ne sont que de petites parcelles, mais enrichies en fumier régulièrement. En juillet et en août auront lieu les fenaisons, puis les moissons : seigle, orge ou avoine, des céréales pauvres mais indispensables. Plus tard dans l’automne, seront récoltées les raves, betteraves, fèves et pommes de terre…

    Et puis, l’inalpage est une vraie richesse pour le fruit qu’on en tire. En altitude, les fleurs sont courtes sur tige, mais intenses en couleur et parfum. Les troupeaux broutent une pelouse rase, mais riche et odorante, qui donne au fromage fabriqué en montagne un goût raffiné qui, déjà du temps de Pline l’Ancien était réputé jusqu’à Rome…

    Non seulement le fromage constitue la base de l’alimentation de la population mais c’est aussi une denrée qui se vend bien, de Genève à Turin ou à Milan. On l’utilise en paiement en nature du denier pour le culte au curé ou pour l’impôt au prieur. C’est une des ressources les plus importantes.

    En Juin 1900, le conseil municipal de Chamonix n’hésite pas à voter une proposition relative à l’amélioration et à l’aménagement des pâturages : « Dans notre pays où les pâturages n’ont jamais été aussi florissants, les pâturages de montagne appartiennent presque tous à des particuliers. La commune n’impose (…) pas la taxe pour le parcours du bétail sur ses pâtures qui sont sans importance et sur lesquelles tous les habitants ont des droits de jouissance identique. Les communiers sont libres de faire valoir si bon leur semble mais l’un d’eux ne saurait céder à un tiers sans soulever les protestations de tous les autres communiers. »

    Voir « Les alpages de la vallée de Chamonix » – Editions du Pas de Chèvre – 2017