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La gare du chemin de fer à Chamonix

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« Considérant que d’après le plan de l’emplacement de la gare du chef-lieu, son avenue partirait de l’extrémité ouest pour venir aboutir au chemin vicinal n° 1 à l’angle est de l’hôtel Royal ; qu’à partir du point où la Cie cesserait cette voie, il serait extrêmement difficile à la commune de la continuer jusqu’à la grande route départementale qui traverse la ville et forme sa rue principale où le chemin de desserte de la gare doit nécessairement venir déboucher. La rue actuelle qui se dirige dès la place publique vers l’hôtel Royal et qu’il faudrait élargir présente deux étranglements qui ne peuvent être corrigés sans démolir partiellement plusieurs bâtiments de valeur dont l’acquisition serait excessivement onéreuse pour la commune. » Cette délibération du Conseil Municipal du 28 novembre 1896 suggère quelque peu les difficultés des réflexions qu’ont dû mener les responsables de la commune quant à l’emplacement de la gare et de l’avenue qui y mènerait, baptisée avenue de la gare.

  • Légende photo :

    La gare de Chamonix, aussitôt construite et déjà agrandie de deux ailes

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    La gare P.L.M. et la passerelle reliant la gare du Montenvers

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    L’hôtel International

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    L’hôtel des Etrangers

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    L’hôtel des Allobroges

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    Dessin des futurs lampadaires de la rue de la gare

    À l’époque, la rive gauche de l’Arve est relativement déserte et on aurait pu imaginer la gare plus rapprochée du centre-ville. Pourtant, un premier projet, allant dans ce sens, est repoussé par cette délibération, arguant des problèmes immobiliers et fonciers trop importants.

    En contrepartie, quelques jours plus tard (8 décembre), une autre délibération accepte la vente de terrain proposée par les époux Crépaux pour la création de cette avenue. C’est donc au droit des jardins de l’hôtel d’Angleterre que cette nouvelle artère sera tracée, les installations de la gare légèrement décalées.

    Avec un bâtiment-voyageurs type, la gare arbore fièrement ses sept travées, très rapidement agrandies d’annexes latérales pour les salles d’attente, locaux à bagages, consignes et bureaux d’information. Les deux premiers des quatre quais sont couverts de magnifiques marquises métalliques abritant les voyageurs en cas de mauvais temps.

    Pendant quelques années terminus de la ligne, la gare de Chamonix dispose également d’une grande halle à marchandises et de deux remises pour abriter les wagons. Côté technique, on a prévu huit plaques tournantes permettant le raccordement des différentes voies.

    Très vite, un autre raccordement sera établi avec la voie ferrée du Montenvers, permettant au P.L.M. de livrer les tombereaux de charbon nécessaires au fonctionnement de leurs locomotives à vapeur.

    Les travaux arrivent à leur terme, on met une dernière touche aux détails, les essais techniques et mécaniques ont été bons… et on se prépare pour la fête. Le 16 février 1901, le Conseil Municipal vote un crédit de 10 000 francs pour les frais d’organisation de l’inauguration.

    Le 12 juillet suivant, les travaux sont officiellement réceptionnés. Les techniciens de la Compagnie P.L.M. arrivent par convoi spécial, accompagnés de M. Ruelle, inspecteur général adjoint. Le train est accueilli à 11 heures 35 par la fanfare et ovationné par la population. Le cortège des officiels passe sous un arc de triomphe de verdure et parcourt les rues décorées de Chamonix avant de se rendre au Casino où un grand banquet est servi en l’honneur de l’arrivée du train. Le retour est prévu à trois heures et quart de l’après-midi. Deux semaines plus tard, le 25 juillet, la ligne est ouverte au public.

    En dépit de son relatif éloignement du centre, la gare joue d’emblée son rôle de lieu d’arrivée pour les touristes. Sur la place, vrai lieu d’animation et d’accueil, on construit des hôtels et des restaurants pour les voyageurs. L’hôtel International, l’hôtel des Etrangers, l’hôtel-pension des Chemins de Fer y trouvent tout naturellement leur place, offrant aux voyageurs qui le souhaitent la possibilité de se restaurer et de se reposer. Sagement alignés devant la gare, les chars à bancs ou les traîneaux attelés des autres hôtels se tiennent à la disposition de leurs clients.

    D’autres voitures sont là, affrétées par la Compagnie P.L.M. pour conduire les voyageurs à Argentière ou à Vallorcine.

    « Le chemin de fer, qui a son point terminus à Chamonix, continuera sa course, dans un prochain avenir. La voie traversera la ligne de faîte entre l’Arve et le Rhône valaisan et ira se souder au réseau du Jura-Simplon à Martigny. En attendant la construction de cette ligne, nous quitterons Chamonix par le service de correspondance P.L.M. qui unit quotidiennement, l’été, cette station avec Martigny par la Tête-Noire. La route est belle ; le ciel est pur, le temps radieux ; la journée – car c’est une course en voiture de toute une journée – sera charmante. 

    Dès huit heures du matin, les voyageurs sont réunis au bureau de la Correspondance, encombrés des bagages qui sont apportés des différents hôtels. Le break est là : les chevaux piaffent ; le postillon, beau comme un postillon d’opéra-comique, fait claquer son fouet. On prend ses places, on s’installe ; on dit adieu aux amis qu’on laisse derrière soi et on part à travers l’encombrement de la rue, parmi les cohortes de touristes juchés sur des mulets, et qui poussent de petits cris d’effroi devant les manœuvres, les courbes savantes que le postillon, glorieux, fait décrire à son attelage. Les dernières maisons de Chamonix disparaissent ; on dépasse le beau chalet de M. Joseph Vallot, l’éminent directeur de l’Observatoire météorologique du Mont-Blanc, et nous voici dans la solitude, sur la route qui remonte le cours de l’Arve ».

    Plus tard, des automobiles remplaceront les attelages et la société Hennocque assurera, pour le compte du P.L.M., la correspondance entre la gare et les hôtels qui n’ont pas d’autobus particulier : « 1 fr. par personne avec 30 kilog. de bagages. Au-dessus de 30 kilog. 20 c. par 10 kilog.. Au-dessus de 50 kilog. 20 c. par 10 kilog. »

    Née sur la place de la gare qui voit se déverser des flots de voyageurs, cette animation se prolonge bientôt dans l’ensemble de l’avenue où, petit à petit, les bâtiments sortent de terre. On peut, tout d’abord, admirer la très belle façade de l’atelier photographique de la Maison Tairraz, puis, plus loin, le très chic hôtel Carlton et son alignement de commerces. Construit en 1910, il se veut d’une architecture moderne, flanqué de boutiques luxueuses pour voyageuses en mal de shopping. En face, on s’extasiera bientôt du magnifique Chamonix-Palace et de ses somptueux jardins. L’avenue de la gare ne manquera pas de chalands…

    En effet, dès le premier été 1901, le chemin de fer connaît un succès qui ira sans cesse grandissant, transportant en moyenne 420 voyageurs par jour. Aussi la population chamoniarde ne tardera-t-elle pas à souhaiter le maintien de l’exploitation en hiver. Mais sa demande, pourtant soutenue par le député Emile Chautemps à Paris, est, dans un premier temps, repoussée par le Ministre des Travaux Publics pour des raisons de froid et de neige.

    Le franc succès que rencontre la Compagnie P.L.M. auprès des touristes égale largement celui rencontré auprès des scientifiques et des techniciens qui voient, dans cette réalisation, un grand progrès en matière d’utilisation de la force hydraulique. En témoigne ce congrès itinérant organisé par le Syndicat des Forces Motrices Hydrauliques, en septembre 1902, qui regroupe plusieurs dizaines d’industriels et de journalistes français pour une série de visites, dont une de la ligne le Fayet-Chamonix. « Après l’inévitable banquet, ils prirent place à bord de deux rames de la ligne à voie métrique se succédant à 10 mn d’intervalle, pour se rendre à Chamonix. En chemin, trois arrêts permirent de visiter l’usine d’électro-chimie de Chedde puis les centrales hydrauliques P.L.M. de Servoz et des Chavants où les participants bénéficièrent des explications de l’ingénieur en chef Charles Baudry. Le 13 fut consacré à des excursions à mulet au glacier des Bossons ou à la Mer de Glace puis à une conférence de l’ingénieur Petit, directeur de l’Omnium Lyonnais des Chemins de Fer et de Tramways, sur la traction électrique appliquée aux voies ferrées. »