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Louis Armand, le « Savoyard du siècle »

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Vrai cheminot, sa carrière professionnelle est tout entière consacrée au chemin de fer : P.L.M. d’abord, pour lequel il est embauché pratiquement dès sa sortie d’école, S.N.C.F. ensuite, lorsque les réseaux privés français ont été nationalisés. Mais on lui doit surtout l’électrification du transport par rail pour laquelle il se bat, persuadé d’avoir raison, envers et contre tous, et même contre certains qui, dès le début des années 1950, doutent du besoin de modernisation du transport par voie ferrée en annonçant déjà le nombre de camions qu’il suffirait d’acheter pour le remplacer (sic). (…) Nos nouvelles locomotives se sont bientôt révélées aussi rapides que puissantes et ne le cédant en rien, sous le rapport de la robustesse, à toutes celles d’autres types, qui avaient été construites jusqu’alors.

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    1960 – Train à La Joux

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    Usine électrique au Châtelard-Servoz

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    1871 – Construction de la voie ferrée sous le Mont-Cenis

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    1901 – Dessin des futures toilettes à la gare de Chamonix

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    1901 Une petite gare était prévue à la Joux

    C’est dans une famille d’instituteurs que Louis Armand voit le jour, à Cruseilles, le 17 janvier 1905. Il passe une enfance heureuse et studieuse dans ce joli village de Haute-Savoie où la famille et les amis lui composent un creuset idéal, propre à son épanouissement. La province natale, avoua-t-il plus tard, imprègne l’enfance. Le milieu dans lequel nous naissons et passons nos premières années décide de nos régulations, de nos mécanismes. Un arbre monte d’autant plus haut que ses racines sont profondes ; l’homme est semblable à un arbre ; plus il s’expose au risque, plus il veut prendre de porte-à-faux, et plus il lui faut des racines étendues. Je suis fier que, pour moi, ces racines soient cruseilloises.

    Certificat d’études primaires en poche, il rejoint le lycée Bertollet d’Annecy qu’il intègre directement en classe de 4e. C’est un brillant élève qui obtient une mention Très Bien au baccalauréat avant de rejoindre le lycée du Parc à Lyon pour y préparer le concours de l’Ecole Polytechnique, puis l’Ecole supérieure des Mines dont il sort major de promotion. Parcours scolaire sans faille mais dont il n’a jamais tiré gloriole…

    Vrai cheminot, sa carrière professionnelle est tout entière consacrée au chemin de fer : P.L.M. d’abord, pour lequel il est embauché pratiquement dès sa sortie d’école, S.N.C.F. ensuite, lorsque les réseaux privés français ont été nationalisés. Chercheur impénitent et grand ingénieur, on lui doit, notamment, le système T.I.A. (Traitement Intégral Armand) consistant à empêcher les chaudières à charbon des locomotives de s’entartrer ou de rouiller et leur permettant, par voie de conséquence, de bien meilleurs rendements. Mais on lui doit surtout l’électrification du transport par rail pour laquelle il se bat, persuadé d’avoir raison, envers et contre tous, et même contre certains qui, dès le début des années 1950, doutent du besoin de modernisation du transport par voie ferrée en annonçant déjà le nombre de camions qu’il suffirait d’acheter pour le remplacer (sic). (…) Nos nouvelles locomotives se sont bientôt révélées aussi rapides que puissantes et ne le cédant en rien, sous le rapport de la robustesse, à toutes celles d’autres types, qui avaient été construites jusqu’alors.

    Enfant, il subit la Première guerre mondiale. Devenu adulte, il s’engage, en 1943, dans la Seconde, organisant, notamment, la Résistance Fer, ce qui lui vaut d’être élevé aux rangs de chevalier de la Légion d’Honneur et Compagnon de la Libération.

    Seule dimension d’avenir à ses yeux, l’Europe retient toutes ses attentions. En 1957, il réactive le projet du tunnel sous la Manche et s’investit dans les négociations portant sur le futur Marché Commun. En 1958-59, il préside la Commission européenne de l’énergie atomique.

    Ses grandes qualités intellectuelles et humaines lui vaudront, à lui le scientifique et le technicien, d’être élu, en 1963, académicien, au siège même qu’occupait, en son temps, Ferdinand de Lesseps !

    Resté très attaché à son pays natal, il en fait une analyse très juste, reconnaissant que la montagne ne se présentait, à l’humanité d’autrefois, que sous des aspects négatifs, impropre aux travaux de la terre, propice aux avalanches et aux inondations et n’offrant aux voyageurs que des passages difficiles et souvent terrifiants, mais qu’une véritable révolution industrielle a pu profiter à la Savoie : celle de l’exploitation de la houille blanche. Grâce à l’ouverture d’esprit de nos compatriotes, notre pays a eu la chance de s’enrichir de toutes les inventions, de toutes les formes d’équipement, de la mécanique de précision aux téléphériques.

     En tout état de cause, il place en tête des réalisations scientifiques une première mondiale extraordinaire : le percement du tunnel sous le Fréjus, ne tarissant pas d’éloges pour l’ingénieur savoyard Germain Sommeiller qui a osé proposer un ouvrage que la plupart des ingénieurs de l’époque jugèrent insensé. En un temps qui ignorait la dynamite, il dut tout improviser, réalisa lui-même sa soufflerie d’air en captant l’eau de l’Arc et surtout il construisit la première perforatrice à air comprimé.

    En 1965, avait lieu l’inauguration du tunnel routier sous le Mont-Blanc. Relancée en 1946 par la Chambre de Commerce de Haute-Savoie, l’idée de ce tunnel routier avait laissé Louis Armand partagé : en tant que directeur de la SNCF, il partageait le point de vue de ceux qui redoutaient une baisse dans le trafic ferroviaire du Fréjus. Néanmoins, il ne pouvait que souhaiter ardemment la multiplication des liaisons entre les pays européens. Et si son esprit analyste prévoyait déjà les problèmes causés par l’accroissement des transports routiers, il n’en pas moins affirmé, dans la plaquette publiée à l’occasion de l’inauguration du tunnel : Le nom du Mont-Blanc était celui d’une montagne qui séparait : il va devenir une route qui unit. (…) Le tunnel rapprochera des populations cloisonnées jusqu’ici dans leurs vallées entre les plus hautes montagnes de l’Europe. Valdotains et Savoyards comptent, les uns et les autres, au nombre de ceux qui désirent ardemment se trouver réunis dans la fédération qui associera les peuples que le XIXe siècle a séparés plus brutalement que n’avaient pu le faire les hautes cimes. Il faudra s’employer à créer l’Europe des provinces selon une conception moins intransigeante que celle des mosaïques nationalistes d’autrefois qui n’ont plus de sens en des temps où la taille qu’il convient d’atteindre est celle des continents.

    Louis Armand meurt le 30 août 1971.

    (Brochure du Patrimoine 2001 rédigée par Joëlle Dartigue-Paccalet)