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Le chemin de fer à Chamonix : les projets

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Années 1850 : le chemin de fer arrive en force sur l’ensemble de l’Europe. Petit à petit il y établit son réseau, véritable maillage destiné à desservir le plus grand nombre de villes et de bourgs. Chamonix est encore sous autorité sarde. En concurrence avec les grands projets suisses de liaison ferroviaire du Simplon et du Saint-Gothard, une étude voit le jour : l’établissement d’une voie ferrée qui remonterait la vallée de l’Arve, bifurquerait à droite un peu avant Sallanches (Oëx) pour s’élever progressivement en direction de Saint-Gervais. Après avoir traversé le Bonnant par un viaduc, la voie traverserait le village de Saint-Gervais, puis, par un tunnel de 4 km sous le Prarion, déboucherait dans la vallée de Chamonix avant de s’enfoncer une nouvelle fois, par un tunnel de 13,5 km, en direction de Courmayeur, du Val d’Aoste et de Turin.

  • Légende photo :

    La place de la gare à Cluses, terminus du train jusqu’en 1897. (Album 1897 Amis du Vieux Chamonix)

  • Légende photo :

    Après la gare de Chedde, le train va pouvoir emprunter le pont métallique qui enjambe l’Arve avant de pénétrer dans le petit tunnel jusqu’au Châtelard.

    Reliant la Savoie au Val d’Aoste et au Piémont, ce « cordon ombilical » au sein du royaume de Piémont-Sardaigne présente de nombreux avantages. Pourtant, le Premier Ministre Piémontais Cavour et l’Empereur Napoléon III lui préfèrent l’itinéraire de la Maurienne et la percée du Mont-Cenis. Cet énorme chantier, commencé en 1856 par la Compagnie « Victor-Emmanuel », sera terminé après le rattachement de la Savoie à la France par la société française « P.L.M. » (Paris-Lyon-Méditerranée) et la société italienne « Alta-Italia ». Le 17 septembre 1871, on inaugure, avec le tunnel du Mont-Cenis, la première des traversées des Alpes.

    Pendant ce temps, Chamonix reçoit la visite de Napoléon III. Le couple impérial descend à l’Hôtel Royal, entend l’acclamation de la foule et admire la grandeur et la beauté du site du Montenvers. C’est à la suite de cette visite qu’une nouvelle route est tracée, en 1866. Dorénavant, les diligences n’ont plus à grimper les terribles raidillons qui, du côté des Montées Pellissier, obligeaient à mettre pied à terre. Avec plusieurs entreprises : « Messageries Impériales », « Berlines du Mont-Blanc », « Messageries Nationales », « Les Express »… un service de transport s’organise véritablement entre Genève et Chamonix. Tirées par un attelage de cinq ou six chevaux, les voitures bondées partent de Genève à huit heures du matin pour arriver à Chamonix à trois heures et demie de l’après-midi, après une halte déjeûner à Sallanches ou au Fayet. Une vingtaine de personnes peuvent s’y asseoir, la place coûte 20 francs.

    À Paris, Charles de Freycinet, Ministre des Travaux Publics, met au point un ambitieux programme. Son but : étendre le service public offert par le transport ferroviaire à toutes les sous-préfectures, et, pour ce faire, développer encore le réseau existant. La construction de 150 nouvelles lignes est programmée, soit plus de 10 000 kilomètres de voie ferrée : construction à la charge de l’Etat et exploitation par concession aux grandes compagnies de l’époque. Le « Plan Freycinet », entériné par le Parlement en 1879, représente une opportunité extraordinaire de désenclavement pour les régions isolées. La rentabilité immédiate est reléguée au second plan, laissant la place à cette grande notion sociale de service public.

    En Haute-Savoie, Thonon est reliée au réseau ferré en 1880, La Roche-sur-Foron en 1883 et Annecy en 1884. La concession de la ligne La Roche-sur-Foron-Chamonix est, naturellement, accordée à la Compagnie P.L.M. La voie ferrée remontera le cours de l’Arve par tranches successives.

    C’est à Cluses que s’arrête tout d’abord le premier tronçon, en 1890. C’est là aussi qu’un premier verrou montagneux se resserre, opposant aux constructeurs un obstacle technique. Pendant quelques années, trois fois par jour, un service de diligences assurera la liaison entre Cluses et Chamonix. Il faut alors compter environ 6 heures pour l’aller et un peu moins de 5 heures pour le retour. « Ces voitures, sortes de chars à bancs munis d’un toit ne constituaient pas un mode de locomotion bien confortable, surtout lorsqu’il pleuvait ou lorsque la température était peu élevée, ce qui se produisait inévitablement lorsqu’on se mettait en route de très bon matin. Les voyageurs des trains partant de Genève le matin trouvaient à Cluses des voitures atteignant Chamonix dans la même journée. Il n’en était malheureusement pas de même pour les trains quittant Genève vers le milieu de la journée. Les voyageurs trouvaient bien la correspondance pour Chamonix à la gare de Cluses, mais après avoir parcouru une quinzaine de kilomètres, la voiture s’arrêtait à Sallanches devant une auberge où l’on était invité à passer la nuit pour repartir le lendemain à une heure très matinale. On arrivait finalement à Chamonix vers midi. »

    En 1886, une nouvelle concession est accordée à la Compagnie P.L.M. : la ligne Cluses-Chamonix en voie normale, la question de la communication avec l’Italie par un tunnel sous le Mont-Blanc réapparaissant en filigrane. La concurrence est rude entre les différents projets de liaison entre le nord de l’Europe et la Méditerranée. Mais l’Allemagne et l’Italie viennent de conclure un accord pour la construction du Saint-Gothard. Par ailleurs, l’ampleur des travaux à réaliser, occasionnant des frais énormes en ouvrages d’art, décide les pouvoirs publics à revoir le projet sous un jour plus modeste. Aussi, le 21 juillet 1890, le Ministre des Travaux Publics invite-t-il le P.L.M. à ne prolonger la ligne normale que jusqu’au Fayet, puis à envisager la liaison avec Chamonix en voie étroite.