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La petite gare des Bossons

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En 1901, lorsque le premier petit train siffle son arrivée à la gare des Bossons, il ne voit guère autour de lui que des champs et des prés. Il est aux Praz-d’en-Bas ! On a construit la gare et la maisonnette du garde-barrière. Coquettes bâtisses, elles obéissent, comme leurs sœurs tout au long de la ligne, à une architecture codifiée officielle, très standardisée et revêtent la couleur blanche de la République. Le granit, largement utilisé pour la construction de la voie ferrée, trouve sa place dans les encadrements des portes et fenêtres et dans les chaînons d’angle. La gare arbore fièrement son nom sur une large mosaïque scellée en façade.

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    1909 – La gare des Bossons

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    1910 – Affiche des horaires de train

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    1924 – Tremplin du Mont accessible depuis la gare des Bossons

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    1911 – Caravane d’excursionnistes traversant le glacier des Bossons. On distingue, sur la rive droite, le rocher qui a donné son nom à la buvette du Céro = rocher brûlé (de couleur rougeâtre).

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    Années post-1926 : les hôtels ont « poussé » à proximité de la gare des Bossons. On remarque encore de nombreux champs cultivés autour de ce qui deviendra le cœur du village.

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    Le grand hôtel Panorama et son annexe, abrite aujourd’hui le Centre National d’Entraînement à l’Alpinisme et au Ski : CNEAS

    En 1901, lorsque le premier petit train siffle son arrivée à la gare des Bossons, il ne voit guère autour de lui que des champs et des prés. Il se trouve au lieu-dit « Les Mouilles des Bossons ». De nombreux ruisseaux, émissaires du glacier des Bossons, ont créé cette zone marécageuse qu’il a fallu drainer d’un caniveau tout autour du bâtiment de la gare.

    Bien sûr, on a construit la gare et la maisonnette du garde-barrière. Coquettes bâtisses, elles obéissent, comme leurs sœurs tout au long de la ligne, à une architecture codifiée officielle, très standardisée et revêtent la couleur blanche de la République. Le granit, largement utilisé pour la construction de la voie ferrée, trouve sa place dans les encadrements des portes et fenêtres et dans les chaînons d’angle. La gare arbore fièrement son nom sur une large mosaïque scellée en façade.

    Mais, comme pour la plupart des voies de chemin de fer, ces infrastructures sont édifiées à distance des secteurs déjà bâtis et des meilleures terres cultivées. Situé à plusieurs centaines de mètres à l’ouest, le centre du hameau, appelé « Dîmerie des Montquarts » sur la Mappe sarde de 1731, regroupe la chapelle, l’école, le four banal, le lavoir-abreuvoir et les anciennes fermes du Crêt. À plusieurs centaines de mètres à l’est, se trouve le pont de Piralotaz, lui-aussi mentionné sur la Mappe sarde, près duquel sont construits une auberge, « Au repos des voyageurs« , et un moulin. Entre ces deux pôles s’élève la petite gare autour de laquelle tout un secteur d’activités va pouvoir se développer.

    La route des Rives, conduisant au glacier, s’ouvre sur la place de la gare. Les guides et les muletiers y attendent désormais les excursionnistes souhaitant aller contempler les « sublimes horreurs ». Buvettes et crémeries jalonnent l’itinéraire : le chalet des Rives, la Crémerie du Glacier, le pavillon du Glacier des Bossons et le pavillon des Pyramides.

    Face à la gare, l’Hôtel-Pension des Familles, construit en 1890 par Alexandre Simond, est doublé d’un deuxième bâtiment, l’Hôtel des Touristes, proposant des chambres avec « vue unique » sur les glaciers. Cette extension ne s’est pas faite sans mal, car pour la réaliser, il a fallu asseoir les fondations avec des vernes « debout ». Elle décuplera tout de même d’intérêt avec la perspective des Jeux Olympiques de 1924 dont les épreuves de saut doivent se dérouler sur le grand tremplin du Mont. À côté du garde-barrière, la famille Devouassoux bâtit l’Hôtel-Pension de la Gare et du Glacier des Bossons, un établissement cossu, en fonction jusqu’en 1970. L’hôtel de l’Aiguille du Midi, toujours actif à ce jour, n’est qu’une modeste auberge gérée par les parents de Denise Farini qui écrit, en 1999 : Mes parents, tous deux natifs de Chamonix (famille Simond) reprennent l’hôtel de l’Aiguille du Midi en 1920 : ce n’était guère qu’une maison de campagne, où je suis née en 1922. La vie n’était pas facile en ce temps-là, il fallait travailler dur pour pouvoir agrandir et transformer ce bâtiment afin qu’il soit agréable à la clientèle qui arrivait par le train ; très peu avaient des voitures. Pour les repas, chaque hôtel sonnait la cloche qui était aussi fabriquée aux Bossons… Un peu à distance, « à 2 minutes de la gare » selon le carton publicitaire, A. Désailloud construit le Grand Hôtel du Panorama, équipé du chauffage central, ouvert toute l’année et vantant les sports d’hiver.

    Très active, la petite gare des Bossons, équipée d’une charmante salle d’attente et ornée de sympathiques auvents, accueille de nombreux voyageurs tant pour les excursions en été que pour les sports d’hiver avec les nombreux concours de saut à ski organisés au tremplin du Mont. Les trains étaient bondés de spectateurs qui affluaient pour assister aux sauts spectaculaires réalisés par les champions venus de toute l’Europe.

    Outre le transport des voyageurs, la gare des Bossons va également voir se développer un important service de transport des marchandises. Pratiquement tous les matériaux importés dans la vallée transitent par le train tel le charbon, utilisé comme combustible par la plupart des chaudières des hôtels.

    La forge toute proche, créée par François Simond, va largement bénéficier de l’arrivée du chemin de fer car en même temps que le rail est introduite l’électricité. On peut ainsi abandonner la force hydraulique d’une traditionnelle roue à aube et adopter l’énergie électrique plus efficace et plus régulière. Reconstruit au niveau de la gare de marchandises, l’atelier modernisé peut réceptionner facilement les livraisons des grosses barres d’acier, matériau de base pour travailler les outils agricoles, les piolets ou les sonnettes.

    À l’inverse, la gare des Bossons se fait exportatrice quand il s’agit d’expédier, à Lyon ou à Paris, les énormes blocs de glace extraits du glacier des Bossons. Chaque jour de l’été jusqu’en 1940, cinquante tonnes, soit cinq wagons couverts de paille sur lesquels on a jeté une bâche sont expédiés vers la capitale. Avant la dernière guerre, raconte Roberte Roux, mon papa (Henri Besse) exploitait la glace du glacier des Bossons. Il avait 4 ou 5 ouvriers pour la miner et la faire descendre au village. Quelques minutes après la détonation, les gros bocs roulent parmi les pierres. Il faut ensuite les partager avec des haches, les « délabres ». On les tire au bord avec des crochets, les « guespis ». Les morceaux sont acheminés par un couloir en planches, la « rise », et arrivent tout seuls au village des Rives où on les entrepose.

     Le petit train par les écoliers des Bossons (1952) Un instant de repos, un chargement nouveau, un gémissement des freins, un crachottement d’air comprimé et il repart vers l’aventure.

    Biblio : Brochures du patrimoine, Flâneries dans la vallée de Chamonix, Journal gratuit La Vallée.

    Merci à Eliane Pelloux-Ravier, dont les grands-parents habitaient aux Songenaz (ou Songenards), pour ses précisions précieuses.