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L’Arve et la Creusaz aux Pèlerins

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En 1738 au mas des Pèlerins, l’Arve étale ses nombreux bras enfermant quatre îlots de sable et de graviers. La rivière peut alors tranquillement laisser déborder ses crues, inondant les berges et créant des zones marécageuses dans lesquelles les enfants du pays se plaisent à pêcher la grenouille. Les anciens du village se rappellent encore leurs baignades dans les gouilles du bord d’Arve où, enfants, ils pataugent dans l’eau que le soleil a tiédie. Par ailleurs, cet extrait de la Mappe Sarde dessine le lit de la Creusaz à l’emplacement de l’actuelle descente Joseph Marie Couttet !

Diaporama de l’article

  • Légende photo :

    Extrait du cadastre de 1924 : La Creusaz a adopté son tracé actuel.

  • Légende photo :

    La Creusaz torrentueuse en été, à l’époque où les passerelles étaient régulièrement emportées par le courant.

  • Légende photo :

    La Creusaz, beauté des eaux torrentueuses, sublimes horreurs de l’époque romantique.

  • Légende photo :

    La Creusaz en 1905 a charrié d’énormes blocs de granit.

  • Légende photo :

    Vue du Brévent, la Creusaz de l’an 2000, contrainte par les grands travaux du tunnel.

  • Légende photo :

    La Creusaz en 1738 emprunte le tracé de ce qui sera par la suite la descente Joseph Marie Couttet. L’Arve (tout en haut sur la carte) s’étale largement en laissant entre ses bras des îlots de graviers et de sable.

    Dans les vallées de montagne, l’urbanisation a changé bien des choses en matière d’hydrographie, même si, parfois, la nature reprend ses droits. Le village des Pèlerins n’échappe pas à la règle, et les plans cadastraux de 1738, 1924 et 1983 en sont une démonstration flagrante.

    En 1738 au mas des Pèlerins, l’Arve étale ses nombreux bras enfermant quatre îlots de sable et de graviers. La rivière peut alors tranquillement laisser déborder ses crues, inondant les berges et créant des zones marécageuses dans lesquelles les enfants du pays se plaisent à pêcher la grenouille. Les anciens du village se rappellent encore leurs baignades dans les gouilles du bord d’Arve où, enfants, ils pataugent dans l’eau que le soleil a tiédie.

    Les premiers travaux d’endiguement de l’Arve se feront en 1871. D’autres suivront, au fur et à mesure des besoins. Aujourd’hui, la promenade Marie Paradis et les immeubles HLM ont été aménagés sur d’anciens délaissés d’Arve, comme en témoignent les bâtiments « Les Lierres », dont le nom rappelle non pas la plante grimpante mais plutôt les gravières appelées autrefois glières (prononcer lières ou lires).

    Le mas des Pellarins, situé côté ubac, a de tout temps, été dépendant des glaciers et torrents qui le dominent. Les glaciers, omniprésents, descendent très bas, envahissant champs et prés. Le glacier de Chatrafort, aujourd’hui appelé glacier des Pèlerins, allonge ses glaces presque jusqu’à Pierre Pointue ! Le glacier des Bossons, quant à lui, déverse une partie de ses eaux de fonte dans le torrent de la Creusaz, provoquant, en cas de crue, de nombreux dégâts dans les propriétés des Pèlarnis. C’est lors d’une de ses énormes crues que, le 3 août 1819, le torrent sort de son lit obstrué par des rochers et emprunte celui d’un petit ruisseau pour dégringoler en ligne directe jusqu’à l’Arve. C’est le lit actuel de la Creusaz. Le livre de raison d’Ambroise Couttet cite encore le 18 juillet 1838 où  le Nant de la Creusaz a fait sa versée. Il a passé depuis le sommet de la forêt jusqu’au fond. Il a rejoint les Essertés et passé derrière toutes les digues jusqu’au sentier de la faituerie, il a démoli la grosse digue. Pour tenter de juguler ces phénomènes naturels qui portent préjudice à leurs cultures, les habitants des Pèlerins s’unissent, dès 1852, en un « Syndicat d’Endiguement du torrent des Pellarins ». Les propriétaires participent aux travaux et à l’acquisition du matériel en proportion de la surface de leurs terrains. En 1923, ce syndicat sera réorganisé en collaboration avec le service des Eaux et Forêts qui apportera son aide à la fois technique et financière.

    « Derrière la ferme de mes grands-parents, raconte Denis Ducroz, il y avait un pré que ma taille de gamin me faisait voir très vaste. Le pré se finissait dans le nant de la Creusaz qui l’avait plusieurs fois inondé et j’aimais la manière dont mon père me racontait avec un mélange de fierté et de fatalisme comment les hommes du village s’entraidaient pour lutter contre le torrent. Il restait alors quelques-unes de ces digues faites de troncs d’arbres croisillonnés autour d’énormes boules de granit. »

    Le creusement du tunnel du Mont-Blanc et l’aménagement de la route d’accès signent la fin du syndicat. Les travaux sont de trop grande envergure et ne concernent plus seulement les petites propriétés agricoles.

    « Hydrologiquement, à cause d’une circulation sous-glaciaire complexe, l’émissaire principal du glacier des Bossons est le torrent de la Creusaz. Il sort d’un lobe secondaire du glacier, actuellement aux alentours de 2250 m d’altitude. Plus bas, le torrent de la Creusette, appelé torrent des Praz par Mougin (1925), sort lui aussi d’une excroissance latérale du glacier, vers 1700 m, avant de confluer avec le torrent de la Creusaz, à l’aval du Tunnel du Mont Blanc. » in Les singularités hydronymiques des torrents chamoniards, un révélateur de systèmes torrentiels atypiques par Johan Berthet.

    Quelques chiffres en 2023 : Longueur : 3,37 km ; Régime glaciaire ; Source : Glacier des Bossons ; Localisation Pierre à l’Échelle ; Altitude 2 250 m. Le retrait progressif et rapide des glaciers fera-t-il tarir définitivement le torrent de la Creusaz ? Autrefois objet de tous les tracas pour les habitants des Pèlerins après chaque hiver, lors des périodes de grosses eaux du printemps et surtout de l’été, le fougueux et magnifique torrent de montagne laissera-t-il place à une simple ravine à peine humide ?