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Sylviane Tavernier – Première femme à la Cie des Guides de Chamonix

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Depuis 1983, la Compagnie des Guides s’est enrichie de la grosse famille des accompagnateurs et… accompagnatrices. Elles figurent désormais en bonne place, habillées de longues et élégantes jupes de drap, sur les photos officielles du 15 août.Mais il est une femme qui n’a pas voulu troquer les knickers/chaussettes Jacquard contre la jupe, extériorisant et affirmant, du même coup, son statut de guide de haute-montagne : c’est Sylviane Tavernier, la première guide-femme à entrer à la Compagnie et qui apparaît, dès 1988, vêtue comme les guides-hommes.  Fanny et Fleur empruntent avec plaisir la porte qui leur a été ouverte par leur aînée de quelques années. Elles veulent être guides-femmes, la parité est démontrée même si, comme dans tous les métiers physiques, on y apporte quelques nuances.Au XXIe siècle, les guides-femmes ajoutent aux valeurs de la corporation leurs propres spécificités, leur identité et leur dynamisme.

L’article en images

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    Sylviane Tavernier – Photo extraite article de presse

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    Sylviane Tavernier

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    Texte extrait du livre « Compagnie des Guides 200 ans d’histoire(s) » Photo de couverture David Ravanel

    Née à Servoz, Sylviane Tavernier est une fille du pays et fière d’avoir du sang Ravanel dans ses veines. Son parcours de sportive de haut niveau se déroule avec les clubs des sports de Chamonix et d’Argentière, puis au comité Mont-Blanc où elle excelle. Elle pratique le ski alpin dans un premier temps. « On allait s’entraîner aux Bossons, ça « caillait », on prenait le train à Servoz. Nos parents travaillaient, ils ne pouvaient pas nous monter, on arrivait avec les skis, c’était super mais à la fois c’était dur pour des gamins de dix ans ! », se souvient-elle. Également très douée en ski de fond, c’est cette discipline qu’elle choisit pour intégrer, à seize ans, l’équipe de France avec comme entraîneur Philippe Barradel et comme coach Roger Ravanel. Ce dernier l’accueille dans son chalet aux Chosalets quand elle vient s’entraîner sur les dix kilomètres de la boucle d’Argentière qu’elle parcourt parfois cinq fois de suite. Avec Roger, elle se familiarise, malgré elle, au métier de guide. « Il me mettait un petit mot « Je suis au refuge d’Argentière… « . Ça me parlait. »

    Membre de l’équipe de France de ski de fond entre seize et vingt-trois ans, on lui interdit l’exercice de l’alpinisme, jugé dangereux pour les athlètes. Mais ses grandes capacités physiques, ajoutées à un entraînement solide, lui permettent de brûler les étapes et de réussir très rapidement les diplômes de ski (fond et alpin), de parapente ou d’accompagnateur, sans compter kinésithérapeute. En 1984, elle valide son stage d’aspirant-guide. La montagne est désormais sa passion, passion qu’elle partage avec les plus forts grimpeurs du moment tels que Christophe Profit, Patrick Gabarrou, Patrick Berhault ou Alexis Long. Non seulement elle grimpe en tête et en solo parfois (Pilier d’Angle en solo avec descente en parapente), mais elle ouvre des voies (Fil à plomb, Petit Viking, Abominette). Avec une liste de courses aussi extraordinaire, le diplôme de guide lui est facilement acquis en 1986.

    Mais elle veut surtout entrer à la Compagnie des guides de Chamonix. Le moment venu, elle s’applique à la rédaction de la demande officielle traditionnelle adressée au président, une belle missive qu’elle glisse dans la poche supérieure de son sac à dos et qu’elle prévoit de poster dès le lendemain matin directement dans la boîte aux lettres de la Compagnie avant d’attaquer une longue journée de travail dans la face ouest des Drus. Diverses séquences filmées portant sur l’ascension de la Directe Américaine en solitaire par Christophe Profit doivent y être tournées et le caméraman et le preneur de son ont besoin de solides assurances. « Au dernier moment, après avoir pris tout le matériel demandé, je file à Argentière à la DZ où attend l’hélico. Je n’ai pas eu le temps de passer au bureau des guides poser ma lettre. Je saute dans l’hélico avec le groupe de guides et tout le matériel, cordes, sacs à dos, sangles, échelles de corde…. L’hélico décolle, pose un patin sur le Bloc Coincé, je descends la première et je vois Prudhomme, le preneur de son qui est également le président de la Compagnie. Je suis très impressionnée et je ne peux pas l’éviter tant il est grand ! On décharge tout le matériel et dans la poche supérieure de mon sac à dos, il y avait la lettre. Je me lance : « Bonjour Monsieur le Président des Guides. J’ai justement un courrier pour vous, je vous le donne tout de suite ! » »

    Et voilà le lieu choisi par la première femme-guide de la Compagnie pour remettre sa demande officielle : les Drus, sommet emblématique de la Compagnie, présent sur toutes médailles et logos, dans la face ouest et la vertigineuse Directe Américaine, au milieu de cet imposant monolithe de protogine, un replat appelé Bloc Coincé, dernier point de repos avant le fameux dièdre de 90 mètres. Le président ouvre l’enveloppe, lit la lettre et ponctue d’un « Bon ! » avant de remettre le tout dans sa poche, sans autre commentaire. La réponse à la demande n’arrivera que plus tard, positive bien sûr !

    Lors de la remise des médailles, le 15 août 1988, elle sera honorée, en tant que première femme-guide à la Compagnie, par Joseph Tairraz, des Bois, doyen de la Compagnie, qui lui offre un superbe bouquet de roses. Roger Ravanel épinglera la médaille sur sa veste de costume. Elle est devenue une « valeureuse guerrière », à l’image des « valeureux guerriers » qu’elle admirait quand elle était petite.