Skip to main content

Marcel Wibault et les soldats

,
|

Ils ont été ses modèles préférés quand il était enfant, ils sont restés un vrai loisir dans sa vie d’adulte : les soldats. Si la montagne, ses beaux à-pics et ses fleurs aux couleurs somptueuses ont pendant des années empli son cœur et permis ces belles envolées romantiques, écharpes de nuées dansant autour des cimes vertigineuses, Marcel Wibault n’est jamais parvenu à se lasser de ses soldats. C’était son deuxième violon d’Ingres.

Page publiée avec l’aimable autorisation de Lionel Wibault, fils du peintre.

Diaporama de l’article

  • Légende photo :

    Marcel Wibault à son chevalet – 1994

  • Légende photo :

    Trompette du 1er Regiment de la garde Royale des Lanciers Polanais en 1807

  • Légende photo :

    Relève de la Garde nationale à Versailles en 1745

  • Légende photo :

    60e Régiment d’Infanterie à Besançon en 1912

  • Légende photo :

    Trompette du 4e Régiment de Cuirassiers en 1807

  • Légende photo :

    Tambours du 1er Régiment des Grenadiers en 1807

    Quand les premiers frimas lui interdisent de courir la montagne, le peintre retrouve sa passion d’enfant. Se tenant au milieu de son atelier, le chevalet éclairé par une grosse lampe occupant tout l’espace, ses palettes et pinceaux disposés tout autour, l’artiste a préparé ses petits panneaux verticaux d’isorel de quarante centimètres de hauteur et de quinze centimètres de largeur recouverts d’une fine couche d’ocre. Marcel peint avec une rigueur scientifique, les modèles posés à côté de lui, des soldats de toutes les époques et de tous les pays. Laissant son imagination et fantaisie donner à ses personnages une attitude caractéristique, untel raidi par le garde-à-vous, l’autre déhanché en posture de repos, il reproduit avec un soin particulièrement méticuleux le moindre bouton de guêtre, la plus petite huppe… Toutes les volutes des brandebourgs sont dessinées fidèlement, il ne manque pas une passementerie, pas un galon… Sa maîtrise de la couleur et de la lumière laisse crisser le cuir râpeux des bottes et luire l’acier froid de l’épée. Tranquillement assis, l’artiste saisit le plus fin de ses pinceaux et, d’une délicate touche, ajoute ici le bouton doré oublié, là la petite plume manquant au costume… Il y met un soin et une attention dignes des plus grands miniaturistes, appuyant son poignet, afin de donner davantage d’assurance à la main, sur un support tenu à faible distance de son panneau. Et au bout de son pinceau très fin, il pose le petit pâté de couleur, juste la bonne couleur nécessaire. Avec la précision d’un historien, documenté par les revues diverses auxquelles il est abonné, il fait renaître sur ses petits panneaux de véritables formations armées, saynettesplus vraies que nature de la vie militaire… De temps à autre, pour honorer une commande particulière, il lui arrive de personnaliser un de ses soldats en donnant à son visage les traits d’un parent, par exemple.

    « Je me souviens notamment d’un magnifique chasseur alpin sonnant du clairon. L’attitude, le geste, le visage, les mains, tout vivait. L’uniforme, respecté au détail près, montrait la texture de l’étoffe, plutôt grossière et épaisse, mais également chaude et imperméable au vent. La tête, légèrement renversée vers l’arrière, le béret, typique, couvrant une oreille et dégageant complètement l’autre, rendaient si parfaitement la pose !

    J’étais tellement épris de ses petits soldats que j’ai eu l’idée de lui en commander un pour l’anniversaire de mon père. Ce dernier avait combattu comme « spahi » au Maroc. Magnifique soldat à cheval, le « spahi » porte généralement un uniforme bleu ciel, un képi de même couleur et une cape blanche ou rouge. Marcel Wibault me demanda un délai de réflexion et d’information avant de me confirmer qu’il pouvait honorer ma commande. Le spahi qu’il a peint pour mon père était de toute beauté. » (Jean Brissaud)

    Cette passion pour les soldats ne le quittera jamais et on pouvaitt le voir assis devant son téléviseur, admirant les défilés du 14 Juillet au son des fanfares. Il lui arrivait alors de croquer rapidement quelque bataillon ou tel uniforme en gros plan sur l’écran.

    Cette même passion le conduit également à fabriquer des petits soldats de plomb. Le soir, après avoir formaté ses moules avec de vieilles boîtes de conserve, il s’installe dans sa cuisine où ronfle la cuisinière à charbon. Ses tubes de peinture à l’huile vides deviennent son matériau de base, fondus dans une louche maintenue à l’aide d’une pince de bois puis versés dans ses petits moules. Ainsi naissent les petits personnages qu’il ne reste plus qu’à vêtir, à l’aide de ses pinceaux, de leurs plus beaux uniformes…

    De ses yeux émerveillés d’enfant, Marcel Wibault garda un intérêt grandissant pour les costumes militaires. Les années passant transformèrent cette passion juvénile en une véritable connaissance des tenues des soldats. Savant en la matière, ses proches pouvaient l’entendre critiquer telle version cinématographique, dite historique, où le script était irrespectueux de l’Histoire.

    Mais surtout, cette connaissance, cette exactitude, ce respect de la chose bien faite, bien qu’à priori secondaires, contribuent à sa notoriété. À Chamonix, tout d’abord, via les antiquaires, les acheteurs apprécient le trait juste autant que l’aspect vivant de ses tableautins. Dans le monde de l’Art, ensuite, sa cotation à Drouot lui est attribuée grâce à l’exactitude scientifique des représentations des soldats.