Skip to main content

Le téléphérique de Bellevue aux Houches

RUBRIQUE : , , ,
| , ,

Aux Houches, les 25 et 26 janvier 1935, sont organisées sur la piste « rouge » de Bellevue la descente des Championnats de France universitaires, puis celle des Championnats de France internationaux civils et militaires. C’est un succès… Un seul regret : les compétiteurs sont contraints de descendre au Fayet pour prendre le TMB qui les remontera à Bellevue…

  • Légende photo :

    Gare du téléphérique de Bellevue – Dessin d’architecte

  • Légende photo :

    Construction de la gare du téléphérique. Image tirée d’un article de presse.

  • Légende photo :

    Dépliant publicitaire

  • Légende photo :

    Carton publicitaire

  • Légende photo :

    Piste de Bellevue

  • Légende photo :

    Bénédiction par M. le Curé des Houches

    Début xxe siècle, la vallée de Chamonix s’équipe : Montenvers (1908), TMB (1913), la Para (1924), les Glaciers (1927), Planpraz-Brévent (1930). Les sports d’hiver ont été célébrés avec faste par les JO de 1924. En 1927, on dénombre quelque soixante guides-skieurs lorsque se déroule l’extraordinaire descente sur la piste des Glaciers, organisée pour l’inauguration du deuxième tronçon du télé des Glaciers avec la victoire éclatante d’Armand Charlet.

    À partir des années 1930, le ski de descente s’auréole de toutes les vertus et prend son essor. En instituant les congés payés, le Front Populaire ouvre une nouvelle politique, à la fois sanitaire et sociale : du sport pour tous, en plein air et à la montagne de préférence. C’est la naissance des auberges de jeunesse et des colonies de vacances. Petit à petit, les citadins affluent en station, chacun veut découvrir les glissades sur de beaux champs de neige immaculée.

    Aux Houches, les 25 et 26 janvier 1935, sont organisées sur la piste « rouge » de Bellevue la descente des Championnats de France universitaires, puis celle des Championnats de France internationaux civils et militaires. C’est un succès… Un seul regret : les compétiteurs sont contraints de descendre au Fayet pour prendre le TMB qui les remontera à Bellevue…

    Le ton est donné, c’est le bon moment et le bon endroit… Est-ce ce que pense Charles Viard ? Cet exploitant forestier Sallanchard est habitué à débarder ses grumes par câble et vient de construire le téléphérique de Rochebrune à Megève. Avec un réel talent de visionnaire, il fonde la Société des Téléfériques du Massif du Mont-Blanc (STMMB) dans le but – assez pharaonique – de relier les différents domaines skiables, depuis Rochebrune jusqu’à Bellevue en passant par le Mont d’Arbois. Rien que ça !

    Il se présente devant Gaston Ducroz, maire des Houches, pour obtenir de la commune un « droit de passage aérien et terrestre depuis les Trabets jusqu’au plateau de Bellevue« . La concession lui est accordée par délibération du conseil municipal le 29 mai 1936 en même temps qu’est votée une somme de 30 000 Francs pour l’élargissement du chemin vicinal des Trabets.

    Nous sommes en mai, l’ouverture est prévue pour Noël ! Le chrono est lancé !

    Après la course aux autorisations, de mairie en préfecture et sous-préfecture, après les interminables négociations avec des propriétaires fonciers opposés au projet, commence la course aux subventions auprès des ministères des Travaux Publics et de l’Agriculture. Puis viendra la course aux techniciens. L’ingénierie se voit confiée à la Société allemande Bleichert, spécialisée en la matière : inclinaisons du câble entre chaque assise, bascule du chariot selon que la « voiture » est vide ou pleine, résistances, frottements et rapports de force… Les archives dévoilent de belles pages de calculs physiques et de talentueux croquis de dessinateur industriel !

    Mais le temps presse, l’automne est là.

    Aux Houches, tous les hommes disponibles sont embauchés pour dégager dans la forêt la large tranchée nécessaire à l’installation des câbles et au survol des cabines.

    Pas de GPS à l’époque, pas davantage de pelle-araignée qui s’accroche aux pentes.

    C’est avec leur tachéomètre que les géomètres et leur aide entrent en scène, désignant, sur le parcours de la future ligne, les arbres à abattre et les taillis à défricher. Devant eux avancent les bûcherons qui, selon les directives données de l’arrière, ont le pénible travail de déboiser « à blanc » la bande nécessaire. On les appelle les « traceurs« , coupant à la hache, la scie ou la serpe et mettant le sol à nu afin d’y marquer les points rigoureusement exacts du futur tracé.

    Un premier câble, celui de la ligne de service, est descendu du plateau de Bellevue jusqu’aux Trabets à bras d’hommes : « Une équipe de 14, 16, parfois 20 hommes, de trempe solide, tire sur le premier tronçon du premier câble tracteur de la future ligne de service, traversant à nouveau tous les passages scabreux du tracé où, parfois, dans les à-pics, le long fil d’acier d’une longueur de 2 300 mètres et du poids respectable de 1 840 kilogrammes, risque, au cours de cette infernale descente, de les entraîner brutalement. »

    Reste la construction des chevalets en bois destinés à supporter ce câble, deux troncs debout assemblés en forme de A, réunis en haut et écartés de trois mètres à leur base.

    Pendant ce temps, dans la vallée, les Houchards assistent aux travaux de construction de la gare de départ, toute en hauteur à cause de la machinerie qui a nécessité « des tonnes de béton noyant d’imposantes armatures métalliques« .

    Les délais sont tenus et le 25 décembre 1936, Léo Lagrange, secrétaire d’Etat aux sports et aux Loisirs préside l’inauguration et prononce son discours lors du banquet à l’hôtel St Antoine : « …Si ce pays pourra accueillir des dizaines de milliers de visiteurs à l’occasion des championnats du monde de ski, c’est à la volonté tenace des habitants que nous le devons.« 

    Enfin, le 17 janvier suivant, c’est au tour de l’abbé Delassiat, curé des Houches, « d’appeler la bénédiction du Très-Haut » sur ce nouvel équipement touristique : « Où serait-on plus près du ciel que sur ce massif du Mont-Blanc ? (…) Grâce à ces téléfériques, ceux que tourmente la grande passion des champs de neige immenses et des descentes vertigineuses auront désormais à leur portée dans le cadre le plus grandiose, une féérie de plus de 40 kilomètres de pistes aux horizons sans cesse renouvelés. »

    Remerciements à Yves Borrel et Eloïse Coudeville (Musée Montagnard)

    Sources : Archives Association « Dans l’temps » les Houches (Dossier n°45)

    Illustrations : Téléphérique de Bellevue (Bénédiction du téléphérique de Bellevue, départ de la cabine), Agence Trampus, tirage photographique ©collection musée Montagnard MM.2017.0.767

    Tous les articles en relation