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Saut à ski au Mont

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En 1905, le Recteur Jules Payot résume bien toute la transformation qui va s’effectuer dans la vallée, et notamment au village des Bossons grâce à l’avènement du ski : « Heureusement, une bienfaisante invention venue de Norvège, le ski (…) a transformé la vie de la vallée. Le ski est un admirable instrument de sport, mais il est mieux que cela. (…) Le ski libérateur a affranchi le montagnard de la servitude de la neige. Hostile hier, la neige lui est devenue amie. Opprimé par elle, le montagnard l’a vaincue. (…) Il a aussi apporté la santé et il renouvellera la race. C’en est fait de la longue anémie de l’hiver.  »

 

Diaporama de l’article

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    Saut bras en avant

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    Saut à ski par Luchini

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    Sauteur norvégien

    Il continue : «  Finies les claustrations prolongées. Enfants, jeunes filles, adultes s’y mettent avec ardeur. C’est la vie en plein air. C’est l’impossibilité, quand on a le sang en mouvement et les poumons gorgés d’air pur de supporter la nauséabonde atmosphère des maisons à doubles fenêtres. C’est la vie hivernale aérée et ensoleillée, au physique et au moral. »

    À l’époque, les deux disciplines – saut et ski – n’en forment qu’une seule, le ski nordique, et le village des Bossons construit son petit tremplin de saut. Au Mont, le profil du terrain est très bien approprié à l’élaboration de cette structure, et très vite l’endroit deviendra idéal pour le saut. « Le grand tremplin pour skieurs où s’est déroulé un concours de saut est situé sur le flanc de la montagne, entre le glacier de Taconnaz et celui des Bossons. On accède à la piste supérieure par de longs et raides escaliers de glace. Le tremplin est posé sur une bosse de la pente au-dessous de laquelle la neige est à-peu-près à pic. Une vingtaine de skieurs voulurent s’y entraîner, mais le gel vif de la nuit ayant durci la neige au point d’en faire un véritable glacis de patinoire, personne n’osa se risquer. »

    Aussi, lorsque Chamonix est appelé à organiser les Jeux d’Hiver, c’est évidemment les Bossons qui seront choisis pour le concours de saut. On procède alors à des études très précises pour modifier le tremplin existant de façon à ce qu’il réponde en tous points aux exigences des Nordiques, les maîtres en la matière. « ...Il a quasiment été taillé dans la montagne. On en est très fier et on espère que son profil permettra de battre des records… »

    Roger Frison-Roche nous a livré ses souvenirs : « Chamonix avait tenu à organiser les Jeux d’Hiver à la hauteur de sa réputation estivale. Dans ce théâtre majestueux, rien ne fut négligé. La ville remplit toutes les obligations qui lui furent imposées : la construction d’une patinoire de plus de 30 000 m2 pouvant contenir deux surfaces de hockey, deux surfaces libres pour les figures ainsi qu’un anneau de vitesse de 400 mètres et une patinoire adjacente pour le curling. Elle devait, d’autre part, livrer un tremplin de saut aux profils proches de celui d’Holmenkollen, le « temple » norvégien du saut et la référence internationale pour les athlètes pratiquant le «vol». A cette époque ils approchaient déjà les 60 mètres. L’ouvrage fut édifié au Mont, à peu de distance du très célèbre glacier des Bossons. »

    Quand le grand jour arrive, cette compétition de saut se révèle être l’un des premiers grands concours organisés en France. Près de 15 000 personnes sont acheminées, la plupart en train, vers le tremplin du Mont. « Peu d’exercices de force et d’adresse sont aussi impressionnants, dira un journaliste de l’époque,  que celui du skieur se laissant glisser sur une pente de neige et s’envoler subitement avec un sifflement de balle, apparaissant au loin comme un bolide tombant du ciel dans la montagne. Contrairement à l’opinion répandue, la longueur du saut est un élément minime dans le classement. On considère aussi le style : au départ, au tremplin et à la réception. Le skieur, se laissant glisser de plus ou moins haut, se prépare à sauter, les genoux pliés, le buste en avant, les bras pendants. A deux mètres de l’arête du tremplin, il s’enlève en détendant brusquement les jarrets, redressant le corps, en l’inclinant franchement en avant et en lançant les bras en l’air, comme s’il voulait plonger. »

    Mais le jour de la compétition, la piste d’élan est tellement bien préparée qu’on interdit de l’emprunter sur toute sa longueur. Bien sûr, les arguments invoqués officiellement parleront de sécurité. Mais d’aucuns disent, à voix basse, qu’il s’agit plutôt d’éviter de blesser l’amour propre des Scandinaves avec une structure permettant de battre un record hors de chez eux !… En effet, ce tremplin autorise des sauts pouvant aller jusqu’à 60 mètres.

    La piste d’élan est donc volontairement réduite grâce à deux garages, prévus à 12 et à 25 mètres. Cette décision n’emporte pas l’adhésion du public, déçu de ne pas pouvoir assister aux événements sensationnels qu’il est venu admirer. Néanmoins, le spectacle reste saisissant : « Le vainqueur fut le Norvégien Tullins Thams qui, avec deux bonds de 49 mètres remporta le concours, le plus long saut en concours ayant été de 50 mètres. La France était représentée par Kléber Balmat qui se classa 10e au combiné, 15e en saut avec 36 et 39 mètres. Martial Payot, Gilbert Ravanel et Vandelle étant également nos représentants.

    Comme tout s’était bien passé, le jury autorisa les sauts hors concours et c’est alors que le norvégien Thams établit le record du monde avec un saut de 58,50 mètres qui nous paraîtrait dérisoire aujourd’hui mais qui fit frémir d’admiration les foules, car même à Holmenkollen les sauts, à l’époque ne dépassaient guère 50 mètres ».

    De nombreuses compétitions se succéderont sur ce tremplin, hiver après hiver. Le 22 décembre 1949, après plusieurs saisons d’études et de recherches de financement, le conseil municipal prendra une délibération pour l’octroi d’une subvention d’état :

    « Le tremplin actuel du Mont permet des sauts de 60 mètres. Depuis 1936, la modification du profil avait été envisagée pour permettre des sauts de 70 à 80 mètres. La réalisation du tracé permettant de pareils sauts n’a pu être exécutée depuis cette date malgré l’intérêt primordial qui s’attache au spectacle de premier ordre que constitue un concours de saut de grande longueur. Le projet a été soumis à la Fédération Internationale de Ski en août 1946 pour approbation et le tremplin olympique de Chamonix sera le seul en France pouvant permettre des sauts de 70 à 80 mètres ».

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